Après une année de parenthèse forcée en raison des restrictions liées à la pandémie de coronavirus, le programme européen de coopération EL PAcCTO a tenu sa réunion annuelle de programme en présentiel à Panama. Axée sur un sujet faisant l’objet de recherches et de débats en plein essor : les finances du crime, la rencontre a été accompagnée d’une consigne invitant les institutions participantes à réfléchir sur la manière dont elles nous affectent et comment les combattre.
Dans ce contexte, et compte tenu du défi pour toutes les institutions européennes et latino-américaines de sécurité constitué par la lutte contre ces flux financiers illicites, EL PAcCTO a réuni plus de 150 experts sur le sujet venant d’institutions européennes et latino-américaines.
La rencontre s’est terminée par la lecture de la Déclaration de Panama promue par EL PAcCTO, qui exprime l’inquiétude des pays participants face à un « phénomène qui prend des proportions inquiétantes à travers le monde et qui exige un changement de stratégie et des actions proactives, coordonnées et innovantes qui franchissent les frontières et se construisent à travers un dialogue constructif et une coopération efficace entre les différents acteurs ».
La déclaration énumère certaines actions spécifiques à mener, telles que l’adaptation de la législation en la matière pour faciliter une identification des biens provenant du crime, l’utilisation de procédures de confiscation ou de saisie des biens, le développement d’outils technologiques pour faciliter l’accès à l’information numérique ou le renforcement des capacités techniques et la spécialisation dans le domaine de la criminalité économique des acteurs en charge des enquêtes, des poursuites et des jugements en la matière.
Elle souligne également l’importance du travail que l’Union européenne, l’Amérique latine et les Caraïbes, et d’autres organismes régionaux, latino-américains et européens doivent mener en commun pour construire des modèles articulés de coordination interinstitutions et de coopération internationale.
« Priver les criminels de leurs ressources financières est le moyen le plus efficace de lutter contre la criminalité »
Pendant deux jours, plus de 150 spécialistes ont débattu sur la manière de faire face à ce problème dans une perspective globale : d’où vient cet argent, comment faire face à ce problème ou comment les institutions peuvent coopérer entre elles pour le combattre. Pour les participants, la coordination et la spécialisation des institutions vont jouer sans aucun doute un rôle clé à l’avenir.
Des représentants institutionnels de premier niveau ont participé à l’ouverture : Chris Hoornaert, ambassadeur de l’Union européenne au Panama, a souligné que, « en raison de leur importance au Panama et dans la région latino-américaine, les finances du crime organisé sont un problème très pertinent pour faire face au crime organisé ». De son côté, Jorge de la Caballería, chef de l’unité B1 de la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne, a creusé le sujet : « Priver les groupes criminels organisés de ressources économiques et financières est le moyen le plus efficace de lutter contre le crime organisé. Tout cela implique une évolution de la législation, une spécialisation des acteurs de la chaîne pénale et de meilleurs outils de coopération internationale ».
La rencontre s’est tenue en présence également de María Eugenia López Arias, magistrate présidente de la Chambre pénale de la Cour suprême de justice du Panama, qui a qualifié cet argent de « réalité qui ne permet ni trêve ni repos pour les institutions confrontées au crime organisé », et d’Ivor Pittí, vice-ministre de la Sécurité publique du Panama, qui a opté pour « le renforcement de la coopération internationale » puisque « seul un travail commun peut permettre de faire face au crime organisé ».
Le défi de la lutte contre les finances du crime
En plus de semer la terreur et la destruction partout où ils agissent, les crimes commis par ces groupes organisés tels que le trafic de drogue, le trafic d’êtres humains ou le trafic d’animaux sauvages sont financés par l’argent opaque du crime organisé et génèrent des bénéfices pour les organisations criminelles qui se calculent en millions.
Selon l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (UNODC dans ses sigles en anglais), l’argent généré par les activités criminelles dans le monde représente environ 4 % du PIB mondial. Bien qu’il s’agisse d’argent illégal, ces sommes calculées en millions font du crime organisé l’un des secteurs économiques faisant circuler le plus d’argent dans le monde.
De même, les finances du crime affectent gravement la croissance économique et sociale des pays, car elles découragent les investissements publics et privés, affaiblissent les institutions en raison de la corruption et de la réduction des recettes fiscales, et entravent la lutte efficace contre la criminalité transnationale organisée.
Initiative Team Europe sur la gouvernance, la justice et la sécurité
La conférence d’ouverture a été l’occasion de présenter l’initiative « Team Europe sur la gouvernance, la justice et la sécurité » qui vise à générer des partenariats internationaux dans ce domaine, dans lesquels l’Union européenne peut tirer parti de la contribution et de la valeur ajoutée des acteurs européens qui y participent.
Jorge de la Caballería, chef de l’unité B1 de la Direction générale des partenariats internationaux de la Commission européenne, et Claudia Gintersdorfer, chef de la division des Amériques du Service européen pour l’action extérieure, ont été chargés de présenter l’initiative dont l’objectif est triple : renforcer les réseaux de coopération régionaux et intercontinentaux pour lutter contre le crime organisé, démanteler les principaux marchés transnationaux du crime organisé en Amérique latine et dans les Caraïbes et renforcer l’état de droit dans la région.
La présentation a été animée par Inmaculada Zamora (secrétaire générale de la FIIAPP) et par Jérôme Heitz (directeur du département Paix, Stabilité et Sécurité de Expertise France). La représentante espagnole a évoqué dans son discours la relation entre l’Europe et l’Amérique latine : « Le concept de partenariat international prend toute sa dimension dans des programmes tels qu’EL PAcCTO, dans lequel l’UE et l’Amérique latine dialoguent, coopèrent et concluent des accords ». De la même manière, M. Heitz a souligné l’idée pionnière à partir de laquelle EL PAcCTO a émergé : « C’est le laboratoire de ce que pourrait être l’initiative Team Europe. Son efficacité a été démontrée grâce à l’expertise et les bonnes pratiques fournies par quatre pays de l’Union européenne travaillant en équipe ».
À propos d’EL PAcCTO
EL PAcCTO (Programme Europe-Amérique latine d’assistance contre la criminalité transnationale organisée) est un programme de coopération internationale financé par l’Union européenne, qui vise à contribuer à la sécurité et à la justice en Amérique latine en soutenant la lutte contre la criminalité transnationale organisée. Dans son intervention, EL PAcCTO aborde l’ensemble de la chaîne pénale d’un point de vue global grâce à un travail mené sur trois volets : police, justice et système pénitentiaire.
Il s’agit donc d’un programme de coopération de l’Union européenne coordonné par deux institutions expertes dans la gestion de projets de coopération : FIIAPP (Espagne) et Expertise France (France) ; avec deux partenaires européens : IILA (Italie) et Camões (Portugal).