On estime à 360 millions le nombre de personnes dans 70 pays du monde qui appartiennent à des communautés indigènes et afro-descendantes. Cela représente 6,5% de la population mondiale, avec plus de 5000 peuples indigènes recouvrant 22% du territoire de la planète, ce qui représenterait 80% de la biodiversité.
Il est estimé que ces communautés représentent 80% de la biodiversité.
EL PAcCTO, dans sa lutte contre la criminalité transnationale organisée, a détecté que les communautés indigènes sont en première ligne de tir face aux délits environnementaux dont ils en sont quotidiennement victimes, s’ajoutant aux effets du changement climatique qu’ils subissent également. Depuis des décennies, ces communautés sont touchées par la déforestation. Celle-ci est le fait d’organisations criminelles qui pillent leurs richesses et les ressources naturelles disponibles.
Suite à ce constat, le Programme EL PAcCTO a lancé l’étude de cas concret au Brésil, en Colombie et au Mexique. Dans leurs conclusions, les experts ont mis en évidence que les actions des organisations criminelles sur les terres des communautés indigènes ont augmenté la pollution et provoqué des problèmes touchants directement à la biodiversité de ces territoires. En plus, cela a un effet sur la vie et le développement normal des communautés. Ces communautés sont contraintes à des déplacements forcés pour cause de violence, de disparitions des membres de leur famille ou de séquestrations ; et de vivre en étant témoin de crimes tels que l’exploitation minière illégale, le trafic de drogues, le trafic d’armes, l’exploitation forestière et la traite des êtres humains.
Pendant la présentation de ces études il a été souligné que le crime organisé est motivé par le profit et l’exploitation des communautés indigènes et des richesses naturelles des terres qu’elles occupent. Elles sont utilisées pour l’exploitation et le trafic des ressources. Le narcotrafic est le délit avec le plus d’impact sur la vie et le développement de ces peuples indigènes.
Le cas du Mexique
Au Mexique, la population indigène représente entre 8 et 10% de la population du pays. Parmi ces chiffres, 70% se trouvent en dessous du seuil de pauvreté avec des niveaux très critiques de développement économique, sanitaire, éducatif et culturel. Les délits au Mexique sont de de diverses natures et sont perpétrés sur l’ensemble du territoire : le narcotrafic au nord du pays, la production de drogues à l’ouest, la traite des personnes et le trafic d’armes au sud.
Tout cela provoque des déplacements forcés, des homicides, l’isolement et la margination qui affectent la vie et le développement des communautés indigènes.
Par ailleurs, l’expert a souligné le manque d’attention du gouvernement à tous les niveaux notamment sur les questions de protection et de sécurité des communautés indigènes, ainsi que de leurs terres à travers la mise en place de politiques publiques efficaces.
La réalité au Mexique est très complexe à cause de sa situation géographique. La frontière partagée avec les Etats-Unis facilite le trafic et la consommation de stupéfiants et le trafic des armes. Cela renforce les groupes qui sont de plus en plus forts et leur permet d’agrandir leur territoire.
Le cas du Brésil
On sait que la déforestation précède tout autre crime perpétré par des organisations criminelles et que la déforestation au Brésil, au cours de l’année 2020, a été la plus importante de la dernière décennie. La situation économique et l’immigration clandestine aggravent la situation.
En Amazonie, la minerie illégale provoque des grands problèmes avec l’entrée de la machinerie lourde et l’utilisation de substances chimiques et toxiques, qui sont la cause de la destruction de centaines d’hectares de terre et de la pollution des rivières. Les délits comme la pêche clandestine des espèces protégées et le trafic de faune sauvage sont des obstacles pour le développement de l’habitat de chacune des différentes communautés existantes.
Une augmentation des cultures de marijuana dans certaines terres frontalières a également été détectée, avec une grande expansion des routes de narcotrafic à laquelle participe une minorité d’hommes autochtones, qui deviennent des trafiquants et provoquent des préjugés et une stigmatisation dans la communauté.
Les droits de l’Homme et la violence de genre
La violation des droits de l’Homme est une problématique entre les communautés indigènes et afro-descendantes. L’assassinat de dirigeants, l’impunité et la violence sexiste à l’encontre des femmes autochtones, discriminées parce qu’elles sont femmes, pauvres et autochtones, en sont des exemples. Cela les rend plus vulnérables et plus susceptibles d’être la proie de la traite d’êtres humains et des réseaux de passeurs, ainsi que de violences sexistes.
Le manque d’outils juridiques adéquats fait que tous ces délits et abus augmentent et que les femmes, qui sont les principales voix dans la lutte, soient soumises et réduites au silence par les groupes criminels.
L’action conjointe des gouvernements
Selon l’expert chercheur brésiliens, compte tenu de la négligence des gouvernements à l’égard des problématiques auxquelles font face les populations autochtones, l’autodéfense des gardiens de la forêt doit être gérée par les communautés, au lieu d’être menée par le gouvernement. Ainsi, des policiers communautaires ont été formés pour faire face aux groupes organisés qui provoquent dans de nombreux cas la mort ou l’isolement des communautés. Il est essentiel d’aborder sur tous les fronts les problèmes causés dans le développement de la Terre Mère (« Madre Tierra ») et des communautés indigènes, non seulement dans le domaine de la sécurité et de la justice mais aussi dans la situation de vulnérabilité dans laquelle se trouvent actuellement les communautés. Les gouvernements qui partagent les territoires avec les communautés tout comme la société civile doit unir ses efforts et travailler conjointement pour changer la situation actuelle. Il faut aussi mettre en place des politiques publiques puissantes et des stratégies communautaires orientées vers un sens d’appartenance qui minimise la bureaucratisation de la coopération transfrontalière.
La présence permanente des Etats dans les zones récupérées des mains du crime organisée est réclamée, car les mêmes groupes reprennent les terres qui ont déjà été déboisées, ayant à nouveau un impact sur la vie des communautés. Selon l’expert, au Brésil il y a une faiblesse des ordres de contrôle, qui ne sont pas suffisamment orientés à la recherche de solutions, comme la fiscalisation environnementale ou la lutte contre le crime.
Le Programme EL PAcCTO, dont la composante de coopération policière est gérée par CIVIPOL et Expertise France, va continuer à travailler dans la lutte contre les grands groupes criminels et œuvrera pour que davantage de pays du continent se joignent à cette ligne de travail et sensibilisent les gouvernements et les sociétés à ce problème. Le Programme travaille déjà avec la Bolivie, l’Equateur et le Pérou pour identifier l’impact du crime organisé sur les communautés indigènes de ces pays. Il est prévu d’élaborer des actions spécifiques à cet égard en 2021 et 2022.